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« Cette odeur d’urine dès qu[’elle] entre dans l’Ehpad » la désespère. A chaque visite, Monique Plazzi, vice-présidente socialiste chargée de l’accompagnement à la perte d’autonomie et au handicap du département de la Haute-Vienne, repart avec « le moral à zéro ». Car elle connaît l’origine de « l’odeur » : la directrice de l’établissement ne « change plus quatre fois par jour, comme avant, les papis et les mamies », confie l’élue. Elle a dû réduire son « budget couches » pour faire des économies tant l’Ehpad est « dans le rouge ».
Dans la Haute-Vienne, près de 80 % des maisons de retraite sont en déficit. En France, c’est le cas de deux établissements sur trois, selon les statistiques des acteurs du secteur. « Les Ehpad traversent une crise de confiance sans précédent, jumelée à une situation économique intenable, à cause d’un modèle de financement à bout de souffle », résume Stéphane Junique, président du groupe mutualiste VYV, qui compte 224 Ehpad. Bénéficiaires, à hauteur de 5 millions d’euros en 2019, ils accusent, depuis un an, un « trou » de 15 millions d’euros. « La situation n’a jamais été aussi détériorée », assure-t-il.
La crise financière généralisée du secteur, dont les assises doivent s’ouvrir mardi 10 septembre à Paris, s’est étendue depuis deux ans, avec des effets négatifs indéniables sur la qualité de la prise en charge des résidents, sans que les solutions mises en œuvre suffisent à l’endiguer.
Un rapport sénatorial à paraître en septembre devrait de nouveau alerter sur les conséquences du naufrage financier du secteur, dont la première cause est connue : « L’image d’Epinal de l’Ehpad mouroir est durablement ancrée dans l’opinion, même si ce n’est pas la réalité », observe Anne Souyris, sénatrice (Les Ecologistes) de Paris, autrice du rapport avec deux autres sénatrices, Chantal Deseyne (Les Républicains, Eure-et-Loir) et Solange Nadille (Guadeloupe), membre du groupe macroniste au Sénat. La défiance des familles a deux origines : la crise liée au Covid-19, qui a fauché la vie de plus de 10 000 résidents, à partir de 2020, et conduit à des confinements mortifères, puis les révélations du livre Les Fossoyeurs (Fayard, 2022), de Victor Castanet, sur les maltraitances au sein du groupe Orpea. Depuis, les 7 000 Ehpad en France ne font plus le plein. Et des chambres qui restent vides, c’est autant de recettes en moins.
Outre la désaffection du public, la hausse inédite des charges salariales, liée notamment aux accords du Ségur de la santé, en 2020, mais aussi au recours à l’intérim, se conjuguent avec l’inflation du coût de l’énergie et des denrées alimentaires, pour venir grever les budgets des établissements. Sans compter l’accès aux emprunts bancaires, qui s’est durci. Résultat : les Ehpad n’ont plus la capacité de « financer les investissements nécessaires » pour faire face « aux défis démographique et épidémiologique », constate, dans une note publiée en juin, le cercle de réflexion Matières grises, qui fédère une bonne vingtaine de grands groupes commerciaux, associatifs et mutualistes du secteur.
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